Mayotte : quelle mise en œuvre du droit d’asile en 2021 ?
L’association Solidarité Mayotte, qui gère les dispositifs dédiés à l’accueil et l’accompagnement des demandeurs d’asile dans le 101ème département français, revient sur l’activité de l’année 2021. Dans un contexte de forte hausse des arrivées, d’importantes difficultés persistent.
À l’image de la précédente, l’année 2021 fut une nouvelle fois marquée par la crise sanitaire. La baisse du nombre de cas sur le département, a toutefois permis des allégements sur les restrictions d’accueil au public, jusqu’à envisager un retour à la normale.
4 234 primo arrivants ont été enregistrés par l’association Solidarité Mayotte dans le cadre de la prestation de pré-enregistrement des demandes au sein de la structure de premier accueil pour demandeurs d’asile (SPADA), contre 2 645 l’année précédente. 3 818 nouveaux demandeurs d’asile ont été enregistrés au guichet unique pour demandeurs d’asile (GUDA) de la préfecture, contre 1876 en 2020.
Dans la continuité de l’année précédente, les demandeurs d’asile originaire de l’Union des Comores étaient largement majoritaires, représentant 78% des arrivées en SPADA. Des arrivées plus importantes ont été constatées des demandeurs d’asile de nationalité malgache qui représentent cette année le deuxième principal pays d’origine (9% des demandes d’asile enregistrées). La réouverture partielle des frontières a eu pour conséquence, la multiplication par deux du nombre d’arrivées des personnes originaires de l’Afrique continentale, principalement de l’Afrique des Grands Lacs (RDC, Burundi, Rwanda).
L’année 2020 s’était conclue par une dynamique positive de réduction des délais entre la présentation en SPADA et la convocation en GUDA, suite notamment à l’augmentation du nombre de créneaux ouverts au GUDA. Malheureusement 2021 n’a pas permis de poursuivre cette tendance en raison de l’augmentation du nombre de primo-demandeurs mais aussi d’une baisse du nombre de créneaux disponibles et d’une réorganisation du GUDA.
Les équipes de la SPADA ont continué à apporter des informations et orienter les personnes de façon individualisée, en amont du rendez-vous GUDA comme en aval. Cette prestation « post-GUDA » de la SPADA, qui consiste à accompagner les demandeurs d’asile non orientés vers l’hébergement, s’inscrit dans un contexte spécifique d’accueil des demandeurs d’asile sur l’île. En effet, bien que Mayotte soit un département français, les conditions matérielles d’accueil (CMA) des demandeurs d’asile diffèrent grandement du régime applicable sur le territoire national : l’allocation pour demandeurs d’asile n’y est pas versée (remplacée par des bons alimentaires), et le parc d’hébergement dédié est limité à une centaine de places dans des lieux d’hébergement d’urgence non soumis aux cahiers des charges applicables en métropole.
L’année qui s’achève a toutefois vu s’opérer une évolution notable, suite notamment à l’arrêté du 12 mars 2021, faisant suite à la saisine du Conseil d’État par un demandeur d’asile, qui enjoint l’État français à mettre en place pour celui-ci, une réévaluation des prestations proposées (voir notre article d’avril 2021). Les conditions d’accueil se sont ainsi quelque peu amélioré en fin d’année 2021, avec un hébergement qui s’étend sur toute la période de demande d’asile incluant la phase de recours (au lieu des 1 mois renouvelable 2 fois en vigueur depuis leur ouverture), comme la distribution de bons alimentaires (qui était limitée à une période de 6 mois jusqu’en octobre 2021). Cela reste toujours insuffisant, au regard notamment des délais d’instruction des demandes, qui placent les demandeurs d’asile dans de longues situations d’attente.
L’accès aux soins pour les demandeurs d’asile demeure également problématique sur l’île. Les dispositifs prévus en métropole (Aide médicale d’État, Protection universelle maladie…) n’étant pas en vigueur à Mayotte, les demandeurs d’asile et plus particulièrement les primo-arrivants sont soumis à une extrême précarité. Par ailleurs, les demandeurs d’asile ont souvent subi des violences physiques, psychologiques et/ou sexuelles, tant dans leurs pays d’origines que lors du parcours migratoire. De plus, le contexte mahorais d’un déficit global de spécialités médicales, notamment en équipes de psychiatrie, complique le suivi ambulatoire des patients dès lors que l’hospitalisation n’est plus justifiée. À cela s’ajoutent enfin la saturation des structures de santé du territoire et la très forte stigmatisation dont les public demandeur d’asile fait l’objet : l’accès aux soins est donc un véritable enjeu pour les demandeurs d’asile à Mayotte. D’importants changements sont survenus au cours de l’année 2021 au sein du pôle santé de l’association Solidarité Mayotte, première porte d’entrée vers le soin pour les demandeurs d’asile. En effet, une prise en charge cohérente a été mise en place, après l’arrivée d’une médecin et d’une psychologue, aux côtés de l’infirmier présent depuis 2019.
Sur ce volet de l’instruction des demandes, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a organisé des missions foraines régulières sur la base moyenne d’une par mois, ce qui a constitué une évolution importante par rapport à l’année 2020. Les délais de traitement de la demande d’asile par l’OFPRA ont ainsi été réduits de manière conséquente en 2021. Les actions collectives de préparation des entretiens OFPRA ont par ailleurs repris à Solidarité Mayotte, constituant un apport essentiel pour les personnes avant l’échange avec l’officier de protection. L’accompagnement individuel s’est aussi poursuivi, selon les situations et après une évaluation sociale de l’équipe faisant part de cette nécessité.
Contrairement aux SPADA de métropole, Solidarité Mayotte a continué à proposer aux personnes accompagnées, un accompagnement administratif et social global, incluant les recours à la CNDA. L’accompagnement à la rédaction des recours reste toujours une problématique pour les demandeurs d’asile car les avocats désignés par le Bureau d’aide juridictionnel (BAJ) restent indisponibles sur cette action : même si le BAJ désigne un avocat dans le cadre de ce suivi, sur le territoire, l’aide à la rédaction du recours auprès de la CNDA n’est pas proposé. Les délais d’attente entre l’introduction du recours et la convocation à une audience n’ont pas évolué positivement, pouvant aller, comme en 2020, au-delà de 2 ans.
Solidarité Mayotte.
Association créée en novembre 2005, ayant pour but d'apporter assistance, accompagnement social et soutien psychologique à tous les demandeurs d'asile ainsi qu’aux personnes vulnérables présents sur l'île de Mayotte. Informations : https://www.solidarite-mayotte.org/